J’ai pu passer trois semaines à Cuba à la fin de mon voyage en Amérique Centrale. Après près d’un an d’itinérance, un séjour à Cuba est un bon moyen de questionner mes habitudes de voyage.
Tout est différent à Cuba, chaque tâche du quotidien m’interpelle. Le régime communiste entraîne encore de nombreuses singularités. Un des exemples les plus parlants est le système monétaire complexe, puisqu’il y a deux monnaies en circulation : la monnaie officielle destinée aux seuls cubains et la monnaie échangeable, qui suit le cours du dollar et qui est utilisée par les étrangers ou pour les dépenses importantes.
Les supermarchés ne proposent qu’un nombre limité de produits. De nombreuses cafétérias ne proposent par exemple que des bouteilles d’eau, que du rhum ou que des canettes de sodas locaux.
Les habitants ont un caractère bien trempé. Ils sont capables de la plus grande cordialité ou de la pire insolence. Ils ont une tendance lunatique et sont donc assez difficiles à aborder.
Cuba fonctionne par couche : ici encore plus qu’ailleurs, il existe plusieurs cercles de proximité assez étanches ; on sera accueilli très différemment selon le fait qu’on soit étranger, qu’on parle un minimum l’espagnol, qu’on loge chez un ami…
Au hasard des rencontres ou des conversations j’ai parfois pu entrevoir un Cuba plus profond, plus amical aussi.

La Havane
C’est là que tout se passe. On y trouve les ministères, les musées, les meilleurs restaurants et l’essentiel des manufactures du pays. A côté, les autres villes font presque figure de villages. Cuba compte onze millions d’habitants dont presque deux millions habitent la capitale. La situation me fait un peu penser au rapport qu’entretient Vienne avec les autres régions d’Autriche.




Révolution
Un mot qu’on retrouve partout à Cuba. Vu l’isolement politique du pays, la lutte est encore d’actualité. On parle beaucoup de politique internationale mais les Cubains évitent de se prononcer sur la politique intérieure.
Les portraits du Che, de Fidel Castro ou de Camillo Cienfuegos sont affichés dans de nombreuses maisons et sur quelques monuments. Des autocollants «Gracias Fidel» ornent parfois le mobilier urbain. On retrouve la devise «Patria o Muerte» sur la monnaie nationale.



Architecture moderne
Cuba est truffée d’exemples intéressants d’architecture moderne. La plupart de ces bâtiments datent des années 1960 et de la période de construction qui a suivi la Révolution. Les façades sont libres, les formes bombées et les peintures souvent colorées.


Trinidad et l’architecture coloniale
Trinidad est l’une des plus anciennes villes coloniales des Amériques puisqu’elle fut fondée en 1514. Cuba fut la première colonie espagnole et servit ensuite de base pour les expéditions des Conquistadors.
A Trinidad, on retrouve l’archétype de la maison coloniale construite de plain-pied mais d’une hauteur impressionnante. Les demeures sont larges et leurs grandes pièces s’ouvrent sur le patio et sur la rue.
Les constructions sont en briques recouvertes d’un enduit et d’une peinture de couleur. Les charpentes sont en bois et recouvertes de tuiles romaines. Les guaparolvos, des grilles de bois ou de fer forgé, interdisent l’entrée aux visiteurs malveillants mais laissent la voie libre aux courants d’air. La ventilation est bienvenue, vu la moiteur du climat.
Depuis la rue, le passant peut apercevoir les salons. Etant donné le système communiste, on retrouve souvent le même mobilier d’une demeure à l’autre. Les fenêtres empiètent généralement sur la chaussée et cet espace en palier est investi comme le serait une petite terrasse.



Pêche, mer et coquillages
Ça ne m’avait pas échappé : Cuba est une île. Ça se voit aussi dans l’assiette . Les pêcheurs m’ont expliqué que la mer des Caraïbes est d’une richesse incroyable.
Certaines plages sont bordées d’hôtels all-inclusive où les touristes, des Canadiens surtout, viennent se dorer la pilule. On est toutefois assez loin du tourisme de masse surtout en basse saison.


Vieux tacots / beaux tacots
A Cuba, beaucoup de voitures datent des années 1960 avant que le blocus américain n’empêche d’importer de nouveaux modèles sur l’île. Les Cubains les bichonnent et les réparent comme ils peuvent. C’est la première fois que je m’essaye à dessiner des automobiles. J’y suis autant poussé par la beauté des modèles que par les encouragements des artistes locaux qui maîtrisent le sujet à la perfection. Petit à petit j’apprends à reconnaître différents modèles au fur et à mesure que je les dessine ou que je monte à bord.


Panne sèche
En ce mois de Septembre 2019, Cuba est touchée par une pénurie d’hydrocarbure. Personne ne sait combien de temps cela va durer […].
Cette crise paralyse considérablement le pays : les routes sont presque désertes, les bus sont supprimés les uns après les autres. Les trains fonctionnent eux aussi au diesel. Dans les villes, il ne roule presque que plus que quelques taxis, des scooters électriques, ou des carrioles tirées par des chevaux.
Etant donné la situation, j’ai décidé de rester dans la partie centrale de l’île ; j’imagine que beaucoup de visiteurs ont fait de même. Dans les parties plus reculées du pays le secteur touristique doit en prendre un sacré coup…


Matanzas
Matanzas est une petite ville de la côte Nord, entre Varadero et La Havane. Je m’y arrête parce que j’ai un peu de temps. Je ne m’attendais à rien et je n’ai pas été déçu.
Matzanzas c’est un peu un condensé de Cuba. Tous les soirs, les oiseaux viennent s’abriter dans les grands arbres du Parc Central ; les bancs sont recouverts de fientes. Les passants crient dans la rue parce qu’ils croient avoir reconnu quelqu’un cent mètres plus loin. Les vieilles voitures et les deux roues foncent à toute berzingue en manquant de vous écraser. Parfois même ils vous engueulent… Le soir venu, les Cubains sortent les enceintes, les guitares; et installent des braseros au milieu des rues.



Parcs et internet :
L’accès internet est restreint à Cuba ; très peu d’hôtels ou de cafés proposent une connexion. Pour trouver un réseau, il faut se rendre sur certaines places ou dans certains parcs publics puis se connecter avec une carte pré-payée (1h = 1CUC= 1USD).
On trouve parfois des Cubains revendant des cartes internet sous le manteau. On dirait de véritables dealers.
Ce système de connexion bouscule un peu mes habitudes. Alors que les rues cubaines sont très animées, les Cubains viennent parfois chercher un peu de tranquillité dans les parcs pour se retrouver seuls avec leur smartphone.


par baptiste quételart – architecte / reporter d’architecture